La route menant Haïti à la Coupe du monde n’a ressemblé à celle d’aucune autre nation. Pas un seul match joué à domicile. Pas un seul hymne chanté devant son propre public. Pas une seule minute disputée sur son propre sol. Depuis juillet 2021, l’équipe nationale vit en exil forcé, trimballant ses rêves de stade en stade, comme un club sans adresse.
Le pays n’a plus accueilli de rencontre internationale depuis que la capitale, Port-au-Prince, s’est retrouvée prisonnière de groupes armés après l’assassinat du président Jovenel Moïse. Aujourd’hui, près de 85 % de la ville est sous contrôle des gangs. En mars 2024, même le stade national a été dépassé par la violence, symbolisant cruellement la perte d’un des derniers espaces communs.
Et pourtant.
Contre toute logique.
Contre le chaos.
Contre un destin qui semblait verrouillé.
Haïti s’est qualifié pour la Coupe du monde pour la deuxième fois de son histoire, un retour attendu depuis 1974. Cinquante-deux ans de patience, de fractures, de générations brisées… balayées par un moment de pure lumière.
Un but, un pays qui retient son souffle
Dans ce match décisif, Haïti n’a pas tremblé. Deedson 9″ et Providence 45+1″ ont inscrit les deux buts qui ont tenu le rêve en vie. Mais la victoire seule ne suffisait pas. Toute une nation a dû attendre, le souffle suspendu, les yeux rivés sur… un téléphone portable.
Après leur match, les joueurs haïtiens se sont regroupés autour du smartphone d’un membre du staff pour suivre la fin de Costa Rica vs Honduras. Il fallait un résultat précis. Il fallait un alignement improbable des astres. Et lorsque le coup de sifflet final a retenti, offrant à Haïti la qualification que personne n’osait imaginer…
Les scènes ont explosé.
Des embrassades.
Des larmes.
Des cris étouffés depuis trop longtemps.
C’était plus qu’une qualification.
C’était une respiration.
Un exploit qui dépasse le sport
Haïti n’a pas seulement gagné une place à la Coupe du monde : elle a gagné une preuve. La preuve que même dans l’effondrement, l’humain peut créer de l’étincelle. Que le football reste un refuge. Que le talent, la discipline, la résilience ne peuvent pas être étouffés, même par la violence.
Le monde parlera de la qualification.
Les Haïtiens parleront du symbole.
Et les jeunes – ceux qui grandissent entre peur et espoir – parleront d’un nouveau modèle.
Haïti jouera la Coupe du monde.
Pas pour oublier la réalité.
Mais pour montrer au monde qu’elle existe encore, debout.


