Mozayik, le Jazz aux Couleurs d’Haïti

Mozayik, le Jazz aux Couleurs d’Haïti

Une mosaïque, c’est un assemblage de pièces disparates qui, une fois réunies, créent un ensemble esthétique et harmonieux.
Lorsqu’un groupe se compose de musiciens talentueux venus d’horizons variés — habiles à naviguer d’un style à un autre avec aisance, et décidés à unir des rythmes multiples dans une parfaite cohésion —, il peut alors incarner pleinement l’esprit de cette mosaïque sonore.
Et quand ces artistes s’immergent dans les rythmes traditionnels haïtiens — Ibo, Petro, Congo, Yanvalou, Nago… — qu’ils enveloppent d’un souffle de Haitian Creole Jazz, ils forment naturellement MOZAYIK : une rencontre vibrante entre notre folklore et le jazz.


Le groupe réunit des musiciens d’exception :
le guitariste virtuose Eddy Bourjolly, le batteur Gashford Guillaume, le bassiste Philippe Charles (frère du regretté Joe Charles), le percussionniste Markus Schwartz, musicien d’origine danoise ayant passé plus de vingt ans à parcourir Haïti pour maîtriser nos rythmes, et enfin le pianiste talentueux Welmyr Jean-Pierre, avec qui j’ai eu un entretien des plus enrichissants dans le cadre de cette édition.


La musique de Mozayik vous transporte dans une atmosphère envoûtante où la basse, jouant les rôles du vaksin et du bambou, se mêle à la percussion et à la rythmique pour créer une saveur de Rara autour des envolées de guitare et de piano.

Dès les premières notes de “Peze Kafe”, on se laisse happer par le tam-tam du pilon et le parfum du rapadou fondu sur les graines grillées.
Le refrain, conduit par la guitare, tourne longuement autour des deux premières lignes :

“Manmanm voyem peze kafe o,
An narivan mwen sou pòtay on jandam aretem.”

La tension reste vive jusqu’à la fin, soutenue par la répétition obsédante des mots :

“Men sa ma di lakay lè ma rive.”

Un vrai délice auditif où les variations de la guitare et du piano s’entremêlent avec une précision exquise.


Une sonate inclassable introduit “Nago Wes”, qui s’ouvre sur un rythme Nago avant que la guitare ne prenne le relais dans un style feutré rappelant le grand Wes Montgomery.
L’esprit même de la mosaïque s’exprime dans “Mosquito”, où divers rythmes dansants s’enchevêtrent, avec une subtile touche mélodique de Compas.

Mozayik affirme aussi son ouverture à l’universalité à travers des œuvres telles que “Karimah”, “Breaktime” et “Focus”.
“Karimah”, dédiée par Eddy Bourjolly à sa fille, évoque les sonorités du Pat Metheny Group, entre douceur et virtuosité.


La voix éclatante d’Emeline Michel illumine “Ou Pran La Vim”, véritable perle musicale, soutenue par un chœur vibrant et un clavier d’une intensité rare.
La reprise de “Konplent Peyizan” de Raoul Guillaume atteint des sommets d’interprétation, tandis que l’ouverture de “Celebration” évoque les cordes d’Amos Coulanges, dans un somptueux Yanvalou.
Enfin, “Samba Kreyòl” unit les brises de l’Amazonie aux saveurs locales, pour une atmosphère à la fois chaleureuse, métissée et résolument haïtienne.


Kesnel Vertil conclut avec justesse :

“Le Jazz, c’est le folklore des villes,
comme le folklore est le jazz des campagnes.”
André Hodeir

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